by Kwame Senou and Taniatou Olafemiwa

Contexte

Apparu en décembre 2019 en Chine, le COVID-19 ou Coronavirus se propage progressivement dans le monde et fait désormais des milliers de morts. Cette maladie est aujourd’hui présente en Afrique avec déjà un bilan macabre et des perspectives funestes selon les prévisions de l’OMS.

Les États, les Médias classiques, Internet et les populations se mobilisent pour lutter contre cette pandémie. Pendant que des campagnes de sensibilisation et d’information sont diffusées massivement sous toutes leurs formes, il reste pourtant une part très importante de la population africaine encore mal informée et passive, n’ayant pas accès à Internet, à la télévision et à la presse écrite notamment les populations en milieu rural et les communautés pauvres.

Selon les données de la Banque mondiale, en 2018 la population rurale est majoritairement pauvre en Afrique Subsaharienne et représente aujourd’hui environ 645 millions d’habitants, soit 60% de la population totale d’Afrique Subsaharienne et 35% de la population d’Afrique du Nord/Moyen Orient.

Au Bénin, plus de la moitié de la population totale, soit 60% de personnes vivent en milieu rural.

La menace de la maladie apparaît plus grande pour les populations rurales. Si des personnes sont contaminées, ces zones ne disposent pas d’équipements sanitaires adaptés ni de moyens d’évacuation des cas les plus graves vers les centres urbains. Le niveau de couverture sociale et sanitaire toutes catégories confondues n’est simplement pas adapté.

Très tôt, l’OMS a exprimé « sa plus grande préoccupation » envers l’Afrique dont « la plupart des pays ont des systèmes de santé plus faibles ». Le continent a été perçu comme le plus grand foyer à risque de propagation de la maladie. Le faible niveau d’instruction de la population africaine (pour comprendre l’étiologie de la maladie et les modes de prévention) et les liens sociaux étroits sont des arguments supplémentaires.

Ce document vise donc à partager plusieurs recommandations permettant de construire une communication efficace et valorisante en milieu rurale, mais aussi auprès des communautés pauvres et marginalisées.

Problématiques identifiées

Les populations rurales en Afrique ne sont définitivement pas préparées à lutter contre cette nouvelle pandémie mondiale.

Ainsi, il convient d’identifier dans un premier temps les problématiques auxquelles les communautés pauvres et en zone rurale sont confrontées, qui sont parfois en déphasage avec les mesures de prévention communiquées par l’OMS :

  • Plusieurs villages ne disposent pas d’eau potable et ont peu de moyens pour acheter du savon.

D’après la dernière enquête démographique de santé menée en 2017-2018 au Bénin, par exemple, (https://www.insae-bj.org/actualites/69-cinquieme-enquete-demographique-et-de-sante-2017-2018 p.66 ), 54,5% de ménages disposent d’un endroit fixe ou mobile pour se laver les mains à l’eau et au savon. Mais 60% en milieu rural n’ont ni eau, ni savon, ni produit nettoyant pour se laver correctement et régulièrement les mains comme le recommandent les autorités. Ces chiffres sont confirmés par ceux du Programme conjoint de surveillance de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement (JMP) de l’OMS et l’UNICEF, un mécanisme officiel des Nations Unies chargé de suivre les progrès vers la réalisation de l’objectif de développement durable N°6 depuis 2016.

Selon les derniers chiffres publiés en 2019, 73% de la population au Bénin n’ont aucun accès aux services d’hygiène, seulement 16% ont un accès limité et 11% disposent d’un accès de base. Ces chiffres démontrent la difficulté pour les populations surtout en milieu rural d’observer cette mesure indispensable pour sauver des vies. Ce constat est alarmant : notre pays a pris du retard pour faire la promotion d’un geste si simple et si efficace pour aujourd’hui combattre le Covid. 19, mais aussi bien d’autres maladies diarrhéiques. Selon l’OMS, des interventions dans le domaine de l’hygiène y compris l’éducation à l’hygiène et le simple fait de se laver les mains, peuvent réduire de 45% le nombre des cas de maladies diarrhéiques.

  • Les maladies infectieuses et virus tels que le VIH/sida, Ebola, le Paludisme, la Tuberculose ou les maladies respiratoires et cardiovasculaires tuent déjà des milliers de morts en Afrique. Une nouvelle maladie telle que le Coronavirus peut rencontrer une indifférence face aux réalités que ces populations vivent au quotidien.
  • Les causes de maladie sont souvent associées à des causalités autochtones tels que envoûtement, sorcellerie, volonté divine, déni du modèle virologique, etc.
  • Les populations rurales ont adopté une certaine fatalité face à la mort.
  • La médecine traditionnelle continue d’être le premier recours pour la majorité de la population, à travers ses praticiens, ses produits, ses pratiques et ses connaissances thérapeutiques, en dépit des avancées de la médecine dite conventionnelle.
  • Les cérémonies de baptêmes, mariages et décès prenant une grande place dans les traditions et la culture africaine, font l’objet de grands rassemblements. Les mesures de confinement et de distanciation s’opposent donc aux principes culturels qui font le fondement même de la société africaine.
  • La majorité des populations en milieu rurale sont analphabètes et s’expriment principalement dans les langues locales.

Objectifs de la communication

Les objectifs de la communication à l’attention des populations en milieu rurale et les communautés pauvres visent donc à :

  • Convaincre les populations à adopter le maximum de mesures préventives pour limiter au maximum la contamination au virus
  • Convaincre la population de la menace grandissante et réelle du COVID19
  • Mettre à contribution les innombrables ressources dont regorge la médecine traditionnelle et profiter de ce profil varié de professionnels (phytothérapeutes, psychothérapeutes, spiritualistes, médico-droguistes, etc.) pour une meilleure riposte au Covid-19

Recommandations

  1. Construire un argumentaire et des messages adaptés aux réalités des populations en milieu rurale

Les messages destinés aux populations rurales, incluant les populations pauvres doivent être associé à des messages d’espoir.

Exemples :

  • Lutter contre le Coronavirus c’est contribuer à construire un environnement sain pour tous
  • Adoptons les gestes barrières et luttons ensembles contre le Coronavirus
  • Le Paludisme et Ebola ont pris nos enfants et nos familles, mais le Coronavirus lui ne passera pas.
  • Stop aux virus qui tuent ! Le Coronavirus ne passera pas par moi

Chaque message doit attirer leur attention sur les menaces pesant sur ce qu’ils ont de plus chers, comme leurs enfants et leur avenir, ou leurs familles.

Ex : Je veux un avenir sûr pour mes enfants et ma famille, alors je dis Stop au Coronavirus

  1. Adapter les formats du message
  • Le message doit être principalement transcrit dans les langues locales
  • Le message doit être partagé en priorité sous forme orale
  • Le message doit pourvoir être transcrit exclusivement en images
  1. Privilégier les meilleurs canaux de communication et mettre à contribution les médias de proximité pour une meilleure riposte au Covid-19

Internet, la Télé et la Presse écrite sont des moyens limités po. Même si grâce au téléphone mobile et à la 3G, les populations en milieu rural ont de plus en plus accès à Internet et aux Réseaux sociaux, les médias de proximités sont plus efficaces.

Il faudra donc privilégier :

  • Les radios locales
  • Les campagnes d’affichage
  • La diffusion de messages par les « gongonneurs » de quartier
  • La diffusion des messages par les élus locaux, les chefs de quartier et les chefs de village, les leaders communautaires
  • Les campagnes d’affichages auprès des lieux principaux de rassemblement
  • Les messages de sensibilisation par les tradipraticiens à travers une médiation sociale pour instaurer la confiance nécessaire au contrôle du Covid-19.
  1. La communication doit s’appuyer sur des solutions permettant de faciliter l’adoption des gestes barrières.
  • Distribution gratuite de masques
  • Création de points d’eau
  • Offrir un approvisionnement sécurisé et respectant toutes les normes d’hygiène en nourriture par voie aérienne
  • Définir des restrictions de circulation libre vers la ville pour limiter la propagation du virus